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CONTES ÉTRANGES

peut un jour ou l’autre tenir dans ses mains votre existence. La vérité est que l’honorable docteur Rappaccini est, à une exception près, aussi savant qu’aucun membre de la Faculté à Padoue et dans toute l’Italie, mais son caractère est l’objet des accusations les plus graves.

— Que lui reproche-t-on ? demanda le jeune homme.

— Est-ce que mon ami Giovanni a des craintes pour sa santé, qu’il s’inquiète ainsi de nos médecins ? demanda le professeur avec un sourire. Eh bien, on prétend que Rappaccini est plus savant qu’humain et que les malades ne sont pour lui que d’intéressants sujets d’étude. Il sacrifierait l’humanité tout entière, sa propre vie, ce qu’il a au monde de plus cher, pour ajouter un grain de sable à l’immense amas de ses connaissances.

— Alors, dit Guasconti, se rappelant la figure froide et méditative de Rappaccini, ce doit être un homme effrayant. Cependant, de votre aveu, c’est un esprit élevé. Pensez-vous qu’il y ait beaucoup d’hommes capables de pousser aussi loin l’amour de la science !

— À Dieu ne plaise, répondit brusquement le professeur, s’ils n’ont pas sur l’art de guérir des idées plus saines que lui. Il borne ses moyens curatifs aux seuls poisons végétaux et cultive lui-même les plantes dont il les distille. On prétend qu’il a ainsi obtenu des poisons nouveaux et terribles. Qu’il ait fait moins de ravages qu’on eût pu s’y attendre du possesseur de tels secrets, c’est ce qu’on ne peut nier. De temps en temps même il a opéré, ou semble opérer, de merveilleuses guérisons, mais, à mon sentiment, signor Giovanni, il ne faut pas lui attribuer entièrement l’honneur de ses succès, dus en partie au hasard, tandis que ses insuccès