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l’exception des serpents qui continuaient à se tordre. Mais je suis persuadé que les yeux du vieux Philémon le trompaient à cet égard.

Au moment où il allait questionner l’étranger au sujet du bâton, il en fut détourné par le plus âgé des voyageurs, qui lui parla en ces termes, et d’un ton remarquablement sérieux :

« N’existait-il pas autrefois un lac qui remplissait le vallon où ce village est situé aujourd’hui ?

— Non pas de mon temps, l’ami, répondit Philémon, quoique je sois bien bien vieux, comme vous voyez. J’y ai toujours vu les champs et les prairies qu’on y voit à présent, de grands arbres et le petit ruisseau qui murmure au fond de la vallée. Mon père, et son père avant lui, n’ont jamais vu autre chose ; et sans doute il en sera de même quand Philémon, chargé d’années, sera parti pour l’autre monde, et depuis longtemps oublié.

— C’est ce que personne ne peut savoir et prédire, répliqua l’étranger, dont la voix prit un accent impérieux, en secouant la tête et agitant les boucles noires de son épaisse chevelure. Puisque les habitants de ce pays ont perdu les sentiments dont les avait doués la nature, il vaudrait mieux que le lac remplît son antique bassin, et vînt détruire jusqu’à la dernière trace de leur séjour ! »

En prononçant ces mots, il prit une physionomie si sévère, que Philémon en fut presque effrayé ;