Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/224

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pas s’ils souffraient de la faim ou de toute autre privation. Il était curieux de les observer, en proie à un vague sentiment de leur misère, soulevant la terre et la boue avec leur groin, à la recherche de quelque grossier aliment. La nymphe au corsage d’écorce (c’était l’hamadryade d’un chêne) jeta au milieu d’eux une poignée de glands ; et les vingt-deux animaux s’élancèrent à l’envi, en se battant pour la possession de cette conquête, comme s’ils n’avaient pas, depuis toute une année, goûté à leur augée de son et de petit-lait.

« Voilà certainement mes pauvres compagnons, dit Ulysse. Je les reconnais à ce trait de gloutonnerie. Ils ne valent presque pas la peine qu’on leur restitue la figure humaine. Néanmoins, je veux qu’il en soit ainsi, de peur que leur mauvais exemple ne soit pernicieux au reste du troupeau. Circé, si ta science va jusque-là, rends-leur la forme qu’ils avaient auparavant. Ce sera pour ton art un plus grand effort, je gage, que celui qu’il t’a fallu faire pour leur donner celle qu’ils ont en ce moment. »

L’enchanteresse agita de nouveau sa baguette, en répétant quelques mots magiques. Aussitôt les oreilles pendantes des vingt-deux porcs se redressèrent ; leurs longs museaux se raccourcirent par degrés, et l’ouverture de leur mâchoire commença à se rétrécir progressivement. Cette dernière modi-