Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/287

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porta au palais ce vieux fruit sec et fané, le déposa sur un plateau d’or et le présenta à Proserpine. Rencontre curieuse ! au moment où ce serviteur entrait par la porte de derrière du palais, notre ami Vif-Argent franchissait le seuil du portique : il venait demander la liberté de Proserpine.

Celle-ci n’eut pas plus tôt vu la grenade sur le plateau d’or, qu’elle dit au domestique de la remporter.

« Je n’y toucherai pas, je vous assure ; quand même je serais affamée au dernier point, je ne voudrais jamais manger une grenade aussi sèche, aussi misérable.

— C’est la seule qu’il y ait dans le monde entier, » répondit le suppôt de Pluton.

Il laissa là son précieux plateau avec le fruit enchanté, et quitta l’appartement. Quand il fut parti, Proserpine ne put se défendre de s’approcher de la table, et de regarder avec une certaine curiosité ce qui lui était offert. Quelle que fût la repoussante apparence de cette écorce noire et presque calcinée, elle sentit un appétit de six mois lui revenir subitement. C’était, sans aucun doute, une grenade fort peu séduisante, et qui ne contenait pas plus de jus qu’une coquille d’huître. Mais au palais de Pluton il n’y avait pas de choix. Depuis si longtemps aucun fruit n’avait réjoui sa vue ! et peut-être elle n’en recevrait pas d’autre. Si elle n’y goû-