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Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/55

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rible monarque. C’était une princesse d’une grande beauté, d’une âme tendre et aimante. Aussi contemplait-elle ces pauvres captifs voués au supplice avec un sentiment bien différent de celui de son père, qui montrait un cœur doublé de fer. Elle ne pouvait retenir ses larmes en pensant combien d’espérances et de charmes allaient être inutilement détruits : tant de beauté, de jeunesse, de force, devenir la proie d’une abominable créature qui eût, sans nul doute, de beaucoup préféré manger un bœuf ou un porc engraissé, plutôt que le plus délicat et le plus potelé de ces êtres humains ! À la vue de Thésée, dont la figure noble et décidée exprimait le mépris d’un danger imminent, sa compassion devint cent fois plus grande. Au moment où les gardes entraînèrent le héros, elle se jeta aux pieds de son père, le suppliant de donner la liberté à tous les captifs, et particulièrement à ce jeune homme.

« Silence, folle que tu es ! lui répondit-il ; qu’as-tu besoin de te mêler d’une pareille affaire ? C’est un acte de haute politique, et par conséquent tout à fait au-dessus de ta faible intelligence. Va donc arroser tes fleurs, et ne songe plus à ces misérables Athéniens. Le Minotaure est aussi sûr de les dévorer demain à son déjeuner, que moi de manger ce soir une perdrix à mon souper. »

En prononçant ces mots, le roi prit un air de cruauté si sauvage, qu’on l’eût cru capable de dé-