Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/85

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n’y a de la faute de personne. Aussi le bon petit peuple n’en garda pas rancune à l’auteur de ce désastre. Le géant fut seulement prié d’examiner, à l’avenir, avec plus de soin, l’arpent de terrain où il désirait s’accroupir.

Il est vraiment plaisant de s’imaginer Antée, comme la tour de la plus haute cathédrale qui ait jamais été construite, debout au milieu de ces fourmis à face humaine allant et se démenant à ses pieds, et de penser que, malgré la différence de leur taille, il existait entre ces êtres et lui un lien sympathique et des égards réciproques ! Vraiment il m’a toujours semblé que le géant pouvait moins se passer de leur société que les Pygmées de la sienne. En effet, sans ces voisins bienveillants, et, nous le disons hardiment, ces compagnons de jeu, il n’aurait pas eu un seul ami dans le monde. Unique de son espèce, il n’avait jamais rencontré une créature de sa dimension, qui pût converser face à face avec lui, avec des accents de tonnerre. Quand il se tenait la tête au milieu des nuages, il se trouvait complètement isolé, et cela depuis des siècles, et pour toujours. Supposons même une rencontre avec un autre géant : Antée se fût figuré que le monde n’était pas assez vaste pour contenir deux personnages de sa stature, et au lieu de se lier avec son pareil, il lui eût livré bataille jusqu’à ce que mort s’ensuivît. Mais avec les Pygmées, c’était le plus gai, le plus jovial, le plus folâtre,