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Page:Hawthorne - Le Livre des merveilles, seconde partie, trad. Rabillon, 1882.djvu/89

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fameuses légions présentaient un aspect redoutable, quand on voyait briller dans les rangs glaives, lances, arcs et flèches, qu’on entendait sonner leurs trompettes et éclater leurs cris de guerre. Ces fiers combattants ne manquaient point de s’exhorter à déployer toute leur vaillance, en rappelant que le monde avait les yeux fixés sur eux. Pourtant, pour réduire la vérité à sa juste expression, les témoins de tant d’exploits se bornaient au géant Antée. Lui seul les contemplait d’un œil rond et stupide, largement ouvert au milieu de son front.

Quand les deux armées se rencontraient, les grues s’élançaient en avant, en battant des ailes et en allongeant leurs cous. Elles saisissaient quelquefois du bout du bec leurs adversaires par le milieu du corps. Alors, c’était vraiment un spectacle cruel que de voir ces braves petits soldats, enlevés en l’air, se débattre de tous leurs membres, et à la fin disparaître dans un long gosier, engloutis vivants. Un héros, vous le savez, doit toujours se tenir prêt à supporter tout pour l’amour de la gloire ; et sans doute, en pensant à l’éclat qui en rejaillirait sur leur mémoire, ils se consolaient de cette mort jusque dans le jabot d’une grue.

Si Antée voyait que la bataille prît une mauvaise tournure pour ses amis, il s’arrêtait ordinairement pour rire un peu, puis il faisait un pas d’un mille de long pour aller à leur secours, en brandissant