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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/12

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démesurées. Or, l’œuvre du XIXe siècle sera de l’abolir.

Déjà le XVIIIe siècle avait commencé. Si l’on ne s’attardait, d’ordinaire, à rechercher complaisamment les raisons qui expliquent notre hégémonie, on verrait qu’au moment précis où nous la proclamions, les autres la discutaient. On s’apercevrait qu’en Angleterre, elle n’a jamais été admise tout à fait. On se rappellerait qu’en Allemagne, Lessing a écrit sa Dramaturgie de Hambourg dès 1767 — lourde machine lancée contre nous. On découvrirait qu’en Italie même commence à souffler un vent de rébellion ; on lirait les pamphlets de tant de gallophobes obscurs et convaincus, Galeani Napione à Turin, Gian Battista Velo à Vicence, Andrea Rubbi à Venise, qui dénoncent à l’envi le danger que le français fait courir à leur pays ; et on conclurait que la vérité que Rivarol formule, ayant atteint son point de maturité, s’applique au passé plutôt qu’à l’avenir. Elle est ébranlée par la poussée des peuples, chacun arrivant alors à la pleine conscience de lui-même, et chacun revendiquant l’exercice de sa langue comme signe public de sa nationalité. Car