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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/13

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les nations apparaissent, à la fois timides et ardentes, désireuses de manifester une existence encore incertaine, comme pour se provoquer elles-mêmes à vivre. Elles n’ont pas de force guerrière à leur disposition ; l’unité du territoire ne leur apparaît que comme un idéal incertain ; mais pauvres de réalités, elles sont riches de velléités intellectuelles et sentimentales. Les historiens, les critiques, les professeurs, tous ceux qui ont trouvé dans les livres des aïeux le souvenir d’une tradition, vont répétant que tout pays a besoin, s’il veut vivre, d’une âme et d’un langage qui soient bien à lui : l’âme aussi fière que possible ; le langage aussi pur, aussi dégagé que possible de tout élément étranger. Les écrivains suivent ; tel cet Alfieri, qui par un prodigieux effort de volonté désapprend notre langue pour apprendre la sienne. Seulement, les plus hardis parmi les révoltés en sont encore à s’étonner de leur propre audace ; leur patriotisme a des airs de paradoxe ; leurs efforts, si vigoureux qu’ils soient, restent incohérents et confus ; l’hymne qui s’élève à notre louange étouffe leurs cris discordants.