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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/24

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les lignes changeantes des frontières : symbole plus précieux encore que les drapeaux.

Ainsi, parce que l’idée même de l’hégémonie intellectuelle a disparu, a disparu l’hégémonie de notre langue. Mais ceci ne veut pas dire que son universalité ait été atteinte du même coup. Gardons-nous d’être ici les victimes d’un préjugé, et de vouloir que deux notions soient liées toujours parce qu’elles l’ont été une fois. Celles-ci ne sont pas inséparables. Les Grecs le savaient bien, qui avaient fait de leur langue l’instrument de culture de toutes les parties du monde alors connu, sans prétendre les asservir. Et inversement, combien de nations pourrait-on citer, qui pour avoir joué en politique les premiers rôles, n’ont jamais assuré à leur langue une extension comparable à leur puissance ! La loi d’évolution, qui dissocie des éléments qu’elle avait d’abord rapprochés, est une loi de vie. C’est une preuve éclatante de la valeur éternelle de notre langue, qu’elle ait su s’assouplir aux conditions nouvelles qui lui étaient faites, et garder le genre d’universalité que l’on tolère, ou mieux que l’on désire aujourd’hui. Elle ne prétend plus asservir les autres, en despote ; mais elle