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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/23

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Sedan, qu’on n’aurait point vu sans doute les écrivains allemands se remettre à écrire en français, comme au temps de Frédéric II ; le français ne serait pas redevenu la langue de la cour ; on n’aurait pas rédigé en français les actes des Académies. Au contraire : un sentiment national blessé serait demeuré plus jaloux qu’auparavant de la pureté du langage. De même notre défaite ne nous a pas fait perdre des privilèges depuis longtemps abolis. Nous avons subi, nous subissons une loi qui ne s’applique pas plus à nous qu’à tous les États de l’Europe : la prise de possession d’un esprit par un autre esprit, d’une langue par une autre langue, n’est plus compatible avec la mentalité contemporaine. C’est pour ne l’avoir pas compris que l’Allemagne a dépensé quarante années d’efforts, sans aboutir à autre chose qu’à un piteux échec. En vain le flot des fonctionnaires, en vain l’armée des professeurs ont envahi l’Alsace et la Lorraine ; en vain on a employé la persuasion, et plus vainement la rigueur. Les deux provinces, françaises de culture et de cœur, sont restées fidèles à leur langue ; force plus durable que celle des armées ; limite plus sûre que