Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/28

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Le savant ne s’inquiétait guère de savoir si la découverte qu’il venait de faire n’était pas vieille déjà sous d’autres cieux. Dans chaque pays, peu de gens se montraient soucieux de ce qui se passait au dehors ; et peu de pays entretenaient commerce d’idées ou de littérature. Au XVIIe siècle, il n’y avait guère de relations intellectuelles qu’entre la France, l’Italie, l’Espagne, les Pays Bas ; au commencement du XVIIIe siècle, l’Angleterre a demandé une place, et un peu plus tard l’Allemagne : c’est tout. Ni les nations scandinaves, dont la production scientifique et littéraire est si intense aujourd’hui ; ni l’immense Russie ; ni les Amériques ; ni le Japon, dont nous goûtons sans surprise — tant nous avons fait d’expériences diverses ! — le lyrisme exquis et compliqué, n’avaient de droits à l’existence. Les habitants de ces pays fabuleux étaient pour nos Français comme des barbares, infiniment lointains et méprisables. Maintenant, il n’y a plus de barbares. Il y a des individualités qui, toutes, prétendent être égales ; mais qui, toutes, veulent participer à l’humanité.

À l’image paisible d’une Europe étriquée, a succédé le tableau inquiétant d’un monde