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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/29

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en fièvre. Le marché intellectuel, où de rares esprits apportaient quelques livres choisis, discrètement, est devenu le rendez-vous des races. Comptez les pays divers qui s’y font représenter, pour l’offre et pour la demande ; multipliez leur nombre par celui des individus qui, dans chaque pays, participent à la vie littéraire, ou politique, ou sociale ; multipliez encore ce chiffre par celui de toutes les formes que revêt la pensée moderne ; voyez la confusion, la hâte, l’impatience de la foule qui se heurte ; entendez les voix et les cris ; et mesurez enfin, à tant de signes, la difficulté presque infinie des échanges journaliers.

Il faut pourtant qu’ils se fassent. Tant et tant de nouveautés qui se pressent, loin de décourager notre désir de connaître, l’ont excité. Les voyages plus faciles, les communications plus aisées, la parole humaine traversant les espaces avec la rapidité de la pensée, tout favorise le mouvement qui porte notre esprit loin du milieu où nous étions attachés, vers le lointain, vers l’inconnu. Nous envions quelquefois le bonheur de nos aïeux, qui avaient le temps de bien juger parce qu’ils voyaient peu. Ils savou-