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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/39

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bornent la montagne et la mer, il embrassait de sa vaste pensée la marche du monde. S’il souffrait de voir l’universalité d’une langue autre que la sienne, comme d’une atteinte portée au génie national de son pays, il ne s’attachait pas moins à l’observer, comme un fait surprenant dont il voulait trouver les causes. Le français doit sa situation exceptionnelle, disait-il, à la tradition, à la politique, à la mode ; davantage encore à une civilisation qui est la plus avancée de toutes, et à la littérature qui la traduit ; mais surtout, à ce qu’il est « per eccellenza lingua moderna ». La pensée contemporaine demande une expression plus rationnelle que pittoresque ; le français est rationnel. Elle demande une expression analytique : le français la fournit. Elle va s’enrichissant et se précisant tous les jours : le français tous les jours s’enrichit de mots très précis, étant donnée la vie éminemment sociale du pays, qui ne permet pas qu’une chose ayant besoin de nom reste sans nom. En France, ce ne sont pas les dictionnaires qui donnent aux mots droit de cité, ni les écrits : mais, avant eux, l’usage ; de sorte que la langue n’est jamais en retard sur