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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/38

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velles ; les plus dangereuses ont pour nous le plus d’attrait. Le jour arrive, où ce qui semblait être un paradoxe français prend place parmi les vérités éternelles ; les chimères d’un génie présomptueux deviennent les inventions pratiques dont on s’étonne d’avoir pu se passer. Alors notre langue est douce aux nouveautés : les Français ont créé la chose, le français crée le mot.

Par exemple, avec quelle facilité n’avons-nous pas formé un vocabulaire pour désigner tout ce qui intéresse les aéroplanes, leur départ, leur ascension, leur chute ! Obligés de chercher dans les livres de nos théoriciens les principes d’un mécanisme qu’ils ignorent, d’apprendre dans les écoles de nos constructeurs la pratique du vol, les étrangers sont obligés aussi de se servir de nos expressions, et de les faire passer, telles qu’elles sont, dans leur propre idiome. Demain apparaîtra une autre invention : et notre langue se trouvera toujours prête à ce rajeunissement éternel.

Nul n’avait mieux défini ce caractère que Leopardi, le grand poète et le grand philosophe. Dans la solitude de sa ville natale, laissant errer son regard sur les plaines que