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Page:Hazard – Discours sur la langue française, 1913.djvu/58

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guerre, où nous avons vu tant de preux échanger de si rudes coups, n’est pas pour nous inquiéter outre mesure. Notre façon, à nous Français, est de nous disputer par moments à propos de ce que nous aimons le plus. Telles sont les cérémonies de nos cultes ; notre ferveur ne fait que s’accroître quand nous les célébrons.

Le grand danger n’est pas la crise du français ; c’est la crise de la France. Qui de nous ose regarder sans crainte les statistiques où s’inscrit le chiffre amoindri de notre population ? Qui de nous ne frémit, à constater que nos pertes annuelles vont se calculant par milliers ? Un pays qui n’enverrait plus ses enfants au dehors, parce qu’il n’aurait plus d’enfants ; un pays que les étrangers regarderaient avec une pitié dédaigneuse, parce qu’il n’aurait plus de soldats, devrait renoncer à l’influence de l’esprit et de la langue. À supposer que l’envahisseur voulût bien épargner un territoire riche et dépeuplé, et lui accorder cette neutralité qui ressemble à une aumône, quelle force d’expansion lui resterait-il, à lui qui serait incapable de se conserver lui-même intact ? Il serait en Europe comme