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Page:Hearn - Au Japon spectral, 1929.pdf/85

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y a de particulièrement lugubre, c’est surtout la moquerie presque surnaturelle du rire, contrastant avec l’agonie pitoyable des plaintes : incongruité qui évoque des idées de folie. Et je m’imagine qu’une incongruité similaire existe dans l’âme de la créature. Je sais qu’elle m’aime, et qu’elle me sacrifierait sans hésiter sa pauvre vie. Je suis sûr qu’elle aurait du chagrin si je mourais. Mais elle n’envisagerait pas la chose comme un autre chien, — comme le ferait, par exemple, un chien aux oreilles pendantes. Elle est trop farouchement près de la Nature pour cela. Si elle se trouvait seule avec mon cadavre dans un endroit solitaire, elle se mettrait d’abord à pleurer follement son Ami. Mais, ce devoir accompli, elle soulagerait son chagrin de la meilleure façon possible, en dévorant ce même Ami, en faisant craquer ses os entre ses longues dents de loup. Et puis, la conscience pure, elle s’assiérait et lancerait vers la lune le cri funèbre de ses ancêtres…

Ce cri me remplit d’une curiosité bizarre autant que d’horreur, à cause de certaines