Aller au contenu

Page:Hegel - Logique, t. 1, trad. Véra, 1874.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
22
chapitre iii.

une critique si sévère, et, il faut bien le dire, en général si peu fondée[1]. Mais il ne suit pas de là qu’Aristote ait conçu la logique comme la science des formes purement subjectives de la pensée, et qu’il l’ait absolument séparée de l’ontologie et de la métaphysique. Tout au contraire, poursuivant, à l’égal de Platon, l’unité de la science, il s’applique à lier ensemble la logique, et la métaphysique, en les plaçant toutes deux sur un terrain commun, en leur attribuant les mêmes principes et le même ordre de recherches. C’est ce dont on pourra s’assurer, pour ainsi dire, à la plus

  1. En général tous les arguments qu’Aristote emploie pour renverser la théorie platonicienne peuvent tout aussi bien être rétorqués contre sa propre théorie que contre la science en général. Tels sont, par exemple, les deux reproches adressés à Platon de séparer les idées des choses, ou de doubler inutilement les êtres. Mais, à quelque point de vue que l’on se place, il faut bien séparer les principes des choses dont ils sont les principes ; il faut les séparer, bien entendu, non comme on sépare deux choses matérielles, mais comme on doit séparer l’idée de la chose dont elle est l’idée, par exemple, l’idée du triangle du triangle matériel, ou l’intelligence des choses qu’elle entend. Que cette séparation soit difficile à concevoir on peut l’admettre, sans que l’argument d’Aristote en devienne plus concluant, car cette difficulté affecte tout aussi bien la théorie platonicienne que toute autre théorie en général. Il en est de même de l’autre objection fondée sur le dédoublement des êtres. En effet, dès qu’on admet des principes il faut bien doubler les êtres, et cela de quelque façon qu’on envisage les principes, car il faut admettre et les principes et les choses dont ils sont les principes. Mais ce qu’il faut dire aussi c’est qu’Aristote construit sa théorie métaphysique avec les mêmes éléments dont s’était servi Platon pour construire la sienne. Que l’on prenne, par exemple, sa théorie du premier moteur. Il est évident que s’il y a théorie fondée sur l’idée, c’est bien celle-là ; car un premier moteur, et un moteur qui se meut sans se mouvoir, est une conception purement idéale, c’est-à-dire une conception fondée sur l’idée d’un moteur absolu, comme la théorie du bien de Platon est fondée sur l’idée d’un bien absolu. Et si l’on examine attentivement par quels procédés Aristote arrive à la conception d’un moteur absolu, on verra que c’est par la dialectique, et par la dialectique platonicienne. C’est qu’en effet il n’y a pas de métaphysique qui puisse être fondée sur d’autres principes. Voy., sur ce point, notre Introd. à la Phil. de Hégel, ch. II, § i, et ch. IV, § v.