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Page:Hegel - Système des beaux-arts, t. 3, trad. Bénard, 1860.djvu/129

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dans l’action dramatique, doivent avoir pour base un intérêt général de la nature humaine ou, au moins, une passion qui, chez le peuple [pour lequel travaille le poëte, soit puissante et sérieuse.

Mais ici, ce qui est général au point de vue de l’humanité et ce qui est spécial à telle nation peuvent être très-éloignés l’un de l’autre. Des œuvres qui, chez un peuple, occupent le sommet de l’art et du développement dramatique, peuvent, par conséquent, rester entièrement incapables d’être goûtées en un autre temps et par une autre nation. Ainsi, la poésie lyrique indienne renferme beaucoup de choses qui, encore aujourd’hui, nous paraissent éminemment gracieuses, d’une délicatesse et d’une douceur charmantes, sans que nous sentions là une différence choquante. La collision, au contraire, sur laquelle roule l’action dans le drame de Sakountala, savoir la malédiction pleine de colère du Brahmane contre la jeune fille, parce qu’il lùr a semblé qu’elle cessait de lui témoigner sa vénération, ne peut que nous paraître absurde. Aussi, malgré les beautés de ce poème, plein d’un charme merveilleux, nous ne pouvons éprouver aucun intérêt pour ce qui fait le centre essentiel de l’action. Il en est de même de la manière dont les Espagnols traitent souvent le motif de Yhonneur personnel. Ils déploient une rigueur subtile et une logique raffinée, dont la cruauté blesse profondément notre imagination et notre sensibilité. Je me souviens d’un essai qui fut fait pour mettre sur la scène chez nous une pièce inconnue de Caldéron : la