Page:Hegel - Système des beaux-arts, t. 3, trad. Bénard, 1860.djvu/31

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l’idée est écartée, il se dépeint comme un héros insouciant et libre. Étranger à toute contrainte et à tout besoin, il est ce qu’il est, un homme unique dans son espèce, une sorte d’œuvre d’art vivant.

De même aussi, dans les chants d’amour, de Hafis, on voit le poëte avec son individualité vivante, changer de sujet, de situation et de style, au point d’aller presque jusqu’à l’humeur. Aucun thème particulier dans ces poésies, aucune figure fixe, aucun dieu, aucune mythologie. En lisant ces libres épanchements de l’âme, on sent que les Orientaux, en général, ne peuvent avoir ni tableaux ni arts du dessin. Le poëte passe d’un objet à un autre, se promène sur tous les sujets, et, cependant, c’est toujours la même scène où l’homme tout entier avec son vin, ses femmes, sa cour, etc., dans uneexpansive naïveté, sans désirs ni ambition, savourant la jouissance pure, se dévoile à nous sans réserve, met son âme et son cœur à nu. —On pourrait donner les exemples les plus variés de ce genre de représentation d’une situation à la fois intérieure et extérieure.

Cependant, si le poëte a droit de mettre ainsi à découvert les états de son âme, nous ne sommes pas disposés, pour cela, à vouloir connaître tout ce qu’il lui plaît d’imaginer, ni ses prédilections particulières, ses détails domestiques, ses histoires d’alcôve, ou quelque commérage d’intérieur, comme c’est le cas dans Eidly et Fanwy de Klopstock. Nous voulons qu’on nous mette sous les yeux quelque situation qui soit de l’homme en général, afin que nous puissions sympathiser poétiquement