À l’horizon lointain, comme une image embrumée, la ville apparaît avec ses tours dans le crépuscule du soir.
Un vent humide ride la surface grise du fleuve ; le marin, dans mon bateau, rame mélancoliquement en cadence.
Le soleil lance un dernier rayon et il me montre la place même où j’ai perdu ma bien-aimée.
Salut à toi, grande ville pleine de mystère, où vivait autrefois ma bien-aimée.
Dites, tours et portes : qu’est devenue ma bien-aimée ? C’est à vous que je l’ai confiée, vous deviez me répondre d’elle.
Les tours sont évidemment innocentes ; elles ne pouvaient pas bouger, quand ma bien-aimée, avec ses malles et ses cartons, a quitté brusquement la ville.
Ce sont les portes de la ville qui l’ont laissée s’en aller sans rien dire. Une porte est toujours consentante à ce qu’une folle veut.[1]
Je reprends l’itinéraire d’autrefois, les rues qui me sont bien connues. Je passe devant la maison de mon aimée, si vide et si abandonnée.
Ah ! cette étroitesse des rues ! Ce pavé m’est insupportable ! Ces maisons m’écrasent ! Je fuis aussi vite que je peux !
Je suis entré dans la salle même où elle m’avait donné sa foi. À l’endroit où ses pleurs coulèrent, des serpents sortaient en rampant.
- ↑ Il y a ici un jeu de mots intraduisible. Thor en allemand signifie à la fois porte et fou. (Note des éditeurs.)