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Les flots murmurent leur éternel murmure, le vent souffle, les nuages fuient, les étoiles scintillent, froides et indifférentes, — et un fou attend une réponse.


8


LE PHÉNIX


Un oiseau venu de l’ouest vole du côté du levant ; il vole vers les jardins de l’Orient natal où croissent les épices parfumées, où les palmiers bruissent et les sources sont fraîches — et l’oiseau merveilleux chante tout en volant :

« Elle l’aime ! Elle l’aime ! Elle porte son image en son petit cœur, elle la porte tendrement et en secret, sans qu’elle le sache elle-même ! Mais, en rêve, elle est devant lui, elle l’implore en pleurant et lui baise les mains, elle l’appelle par son nom et ce cri la réveille ; surprise et alarmée, elle frotte ses beaux yeux. — Elle l’aime ! Elle l’aime ! »

Sur le pont, appuyé au grand mât, j’entendis le chant de l’oiseau. Comme de verts chevaux à crinière argentée, bondissaient les vagues moutonneuses. Ainsi que des bandes de cygnes, les hommes d’Helgoland, ces routiers audacieux de la mer du Nord, passaient devant moi sur leurs barques aux voiles chatoyantes. Au-dessus de ma tête, dans l’azur éternel, de blancs nuages folâtraient et l’éternel soleil resplendissait, rose du ciel, flamme épanouie, qui joyeusement se mirait dans la mer. Et le ciel et la mer et mon propre cœur répétaient comme un écho : « Elle l’aime ! Elle l’aime ! »


9


MAL DE MER


Les nuages gris de l’après-midi descendent plus bas sur la mer sombre qui semble aller au devant d’eux. Entre elle et eux fuit le navire.