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Muets d’admiration, le museau attentif, les oursons contemplent leur père qui danse gravement au clair de lune.


5

Atta Troll est mélancoliquement étendu sur le dos, dans sa caverne, au milieu des siens ; il lèche ses pattes en rêvant, il lèche et murmure :

— Mumma ! Mumma ! perle noire que j’avais pêchée dans l’océan de la vie, je t’ai donc reperdue à jamais dans ce même océan ?

Ne dois-je jamais te revoir qu’au delà de la tombe, à l’heure où, dégagée de tes dépouilles mortelles, tu ne seras qu’une âme sans peau ?

Ah ! je voudrais auparavant baiser une dernière fois le gracieux museau de ma chère Mumma ; il était si doux et comme parfumé de miel !

Mais, hélas ! Mumma languit dans les chaînes de cette engeance qui s’appelle l’homme et qui s’imagine être le propriétaire de toute la terre.

Mort et damnation ! ces hommes, ces archi-aristocrates, regardent toutes les autres créatures avec l’insolence du seigneur et maître !

Ils nous enlèvent femmes et enfants, nous enchaînent, nous battent, nous tuent même pour vendre notre peau et notre graisse ;

Et ils se croient permis ces forfaits, surtout contre la race des ours, et ils appellent cela les droits de l’homme.

Les droits de l’homme ! les droits de l’homme ! et qui vous les a octroyés ? Ce n’est pas la nature, elle n’est pas dénaturée à ce point.