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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/251

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contrebandiers qui hantent, libres et joyeux, les forêts des Pyrénées.

Il savait aussi de vieilles histoires, entre autres les combats des géants contre les ours, dans les temps fabuleux.

Oui, les géants et les ours se sont disputé jadis l’empire de ces montagnes et de ces vallées avant l’invasion des hommes.

À leur arrivée, les géants s’enfuirent épouvantés par une terreur panique, car il n’y a pas beaucoup de cervelle dans ces grosses têtes.

On dit encore que ces grands niais, arrivés au bord de la mer, voyant le ciel réfléchi dans les flots bleus,

Crurent que la mer était le ciel lui-même, et se précipitèrent dans les flots, pleins de confiance en Dieu, et s’y noyèrent tous ensemble.

Quant à ce qui regarde les ours, l’homme les détruit maintenant peu à peu ; chaque année, leur nombre diminue dans les montagnes.

« C’est ainsi, disait le bon vieux, que l’un fait place à l’autre sur la terre ; après les hommes, l’empire passera aux nains,

« À ces petites créatures microscopiques et rusées qui habitent sous les montagnes, fouillant et amassant sans relâche des richesses dans les filons d’or et d’argent.

« Je les ai souvent vus au clair de la lune lorsque, pour nous épier, ils sortent leurs petites têtes, pleines de malice, des crevasses de la terre, et j’ai eu peur en songeant à l’avenir,

« Et au règne crasseux de ces pygmées richards. Hélas ! je le crains bien, nos neveux seront forcés de se jeter à l’eau, comme les géants stupides qui croyaient se réfugier dans le ciel. »


13

Le lac aux eaux profondes repose dans sa sombre coupe de rochers. De pâles étoiles regardent mélancoliquement du haut du ciel. C’est la nuit et le silence.