Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces méchants escaliers du temple de Dieu ! Je ne puis comprendre aujourd’hui que je n’aie pas vingt fois trébuché dans l’abîme et risqué de me casser le cou.

Comme les cascades mugissaient ! Comme le vent fouettait les sapins qui hurlaient ! Les nuages crèvent tout à coup. Quel temps affreux !

Près du lac de Gaube, dans une petite cabane de pêcheur, nous trouvâmes un asile et des truites : celles-ci étaient délicieuses.

Le vieux pêcheur, malade et cassé, était assis dans une chaise longue. Ses deux nièces le soignaient, belles comme des anges.

C’étaient des anges un peu gras et quelque peu flamands, qu’on aurait cru descendus d’un cadre de Rubens : cheveux blonds, yeux bleus et limpides ;

Fossettes au milieu des joues roses, où l’espièglerie était tapie ; membres forts et arrondis, éveillant à la fois la crainte et la volupté.

Charmantes et bonnes créatures, qui se disputent d’une façon charmante pour savoir quelle boisson conviendrait le mieux au vieil oncle malade.

L’une lui présente une tasse de fleur de tilleul, et l’autre de la tisane de sureau ; elles crient à la fois : Buvez ! buvez !

« Je ne boirai ni l’une ni l’autre, dit le bon vieux impatienté. Allez me chercher une outre de vin, que j’accueille mes hôtes avec une meilleure boisson. »

Si c’était véritablement du vin que j’ai bu au lac de Gaube, c’est ce que j’ignore. Dans le Brunswick, j’aurais cru que c’était de la bière de Brunswick.

L’outre était faite de la plus belle peau de bouc noir. Elle puait admirablement ; mais le vieux en but avec tant de plaisir, qu’il en devint gaillard et mieux portant.

Il se mit à nous raconter les hauts faits des bandits et des