Aller au contenu

Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Comme l’odeur des herbes me tourmentait dans cette chambre ! Je cherchais douloureusement où j’avais déjà senti la même odeur, et je le cherchais en vain.

Comme le vent dans la cheminée me faisait souffrir ! On eût dit les gémissements de pauvres âmes en peine. Il me semblait que je reconnaissais ces voix.

Mais ma plus grande torture venait des oiseaux empaillés, rangés sur une planche au-dessus du chevet de ma couche.

Ils agitaient lentement, à faire frémir, leurs froides ailes, et se penchaient jusque sur moi, avec de longs becs en forme de nez humains.

Où ai-je donc vu déjà de pareils nez ? Est-ce à Hambourg ou à Francfort dans le quartier des Juifs ? Souvenirs vagues et pleins d’horreur !

Enfin le sommeil s’empara tout à fait de moi, et à la place de ces visions bâtardes et grimaçantes — la réalité assaisonnée de cauchemars — ,

J’eus un rêve bien net, sur un fond et une base solides, avec des contours franchement accusés, vivant et plastique comme le sont tous mes rêves.

Au lieu d’être dans l’étroite cabane de la sorcière, je me trouvais dans une salle de bal, soutenue par des colonnes, et éclairée de mille girandoles de lumière.

Des musiciens invisibles jouaient la voluptueuse danse des nonnes de Robert le Diable. J’étais seul à me promener dans la salle.

Enfin les portes s’ouvrent à deux battants, et voilà qu’arrivent lentement, d’un pas solennel, les hôtes les plus étranges qu’on puisse voir !

Rien que des ours et des spectres ! Debout sur leurs pattes de derrière, chaque ours conduit un spectre masqué et enveloppé d’un blanc linceul.

Ainsi appariés, ils se mettent à valser autour de la salle. Curieux coup d’œil à faire rire ou trembler !