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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/267

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Uraka, assise près d’un feu clair, était en train de peigner son gros et gras caniche. Elle lui donna vite congé,

Pour s’occuper de nous. Elle fit mon lit, dénoua mes espadrilles, cette chaussure pittoresque et absurde,

M’aida à me déshabiller, m’ôta même mon pantalon mouillé ; il me tenait aux jambes, serré et fidèle comme l’amitié d’un niais.

Mes trente-six rois d’Allemagne, m’écriais-je, je les donnerais maintenant pour une robe de chambre bien chaude ! Et ma chemise humide fumait sur ma poitrine.

Frissonnant, claquant des dents, je m’accroupis un instant devant le foyer ; puis je m’étendis sur la paille, presque étourdi par le feu,

Mais sans pouvoir dormir. Les yeux à demi fermés, je regardai la sorcière assise près de la cheminée, qui tenait sur ses genoux la tête et la poitrine de son fils ; il était presque entièrement déshabillé.

Le gras caniche se tenait debout à ses côtés, et lui présentait avec beaucoup d’aisance un petit pot dans ses pattes de devant.

Et, pendant qu’elle le frottait et l’oignait ainsi, elle murmurait en nasillant un chant de nourrice, et les flammes du foyer pétillaient étrangement.

Pâle et osseux comme un cadavre, le fils gisait sur le giron de sa mère, ses grands yeux éteints, fixes, grands ouverts et tristes comme ceux d’un trépassé.

Est-ce donc véritablement un mort à qui l’amour d’une mère communique chaque nuit une vie factice au moyen de baumes magiques ?

Que le demi-sommeil de la fièvre est étrange ! Les membres fatigués, lourds comme du plomb, sont comme enchaînés, et les sens surexcités sont d’une lucidité terrible.