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Page:Heine - Œuvres de Henri Heine, 1910.djvu/37

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résonne une voix creuse ! c’était le corbeau qui croassait : Tête à bas ! Tête à bas !

« Je me disais : Oh, si je pouvais tuer quelque colombe, elle serait pour mon amie ! Et je furetais du regard les halliers.

« On dirait qu’on se becquète et qu’on se caresse de ce côté. Bien sûr, ce sont deux tourterelles ! Je m’avance sans bruit, le doigt sur la gâchette de mon arme. Que vis-je ! C’était ma propre bien-aimée.

« C’était ma colombe, ma fiancée. Un étranger la serrait sur son cœur. À toi ! vise bien, vieux tireur. Et voilà l’étranger qui baigne dans son sang.

« Peu après, une procession lugubre traversait la forêt, c’est moi que l’on traquait au supplice. Et du haut de son arbre, le corbeau croassa : Tête à bas ! Tête à bas ! »

Et les spectres en chœur éclatèrent de rire. Alors le ménétrier s’avança à son tour :

« J’ai chanté autrefois une belle chanson. Mais à présent elle est finie ; quand le cœur est brisé dans une poitrine, il n’est plus de chanson possible. »

Les fous rires redoublèrent, et la trompe fantomale se mit à tournoyer. Tout à coup, l’horloge du clocher sonna une heure ; alors les spectres en hurlant réintégrèrent leurs tombeaux.


9

J’étais couché et je dormais d’un très paisible sommeil ; chagrins et souffrances avaient fui ; alors je vis venir une figure de rêve, la plus belle de toutes les jeunes filles.

Elle avait la pâleur du marbre et merveilleuse était sa grâce ! ses yeux avaient le brillant de la perle, sa chevelure était étrangement ondulée.

Doucement, doucement, elle vient à moi, et sur mon cœur se penche la jeune fille pâle comme le marbre.