Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Oui, tu étais là, muette et inerte, tandis que de folles flammes me dévoraient. Tu n’attisais pas le feu, tu ne disais pas un mot, et cependant mon cœur est obligé de te condamner.

Dans mes rêves, chaque nuit, une voix accusatrice s’élève, qui porte plainte contre ta mauvaise foi et soutient que tu m’as ruiné.

Elle apporte les preuves, elle produit les témoignages, elle traîne toute une liasse de documents ; toutefois, chaque matin, l’accusatrice disparaît en même temps que mon rêve.

Elle s’est réfugiée dans le fond de mon cœur avec tout son dossier ; une seule chose me reste en mémoire, c’est que je suis ruiné.

7

Ta lettre a été pour moi un de ces éclairs d’orage qui illuminent subitement la nuit d’un abîme. Elle m’a montré avec une clarté effrayante combien mon malheur est profond, combien il est profondément horrible.

Toi-même, te voilà émue de compassion, toi qui dans le désert de ma vie te tenais là, silencieuse, pareille à une statue, belle comme le marbre, froide aussi comme le marbre !

Ô mon Dieu ! faut-il que je sois misérable ! Elle se