Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

L’âme répond : « Je suis de Prusse. La capitale se nomme Berlin. La Sprée y coule, la Sprée aux nobles eaux, que la pluie et les jeunes officiers de la garde font souvent déborder. Berlin est un beau pays ! J’y ai été privat-docent, et j’ai fait des cours de philosophie. J’ai été marié avec une ci-devant dame chanoinesse qui me querellait souvent d’une façon épouvantable, surtout quand il n’y avait pas de pain à la maison. J’en ai fait une maladie mortelle, et maintenant me voilà mort. »

Saint Pierre s’écria : « Hélas ! hélas ! la philosophie est un triste métier. En vérité, je ne comprends pas qu’on s’occupe de philosophie. C’est une science ennuyeuse, qui ne rapporte rien, et impie par-dessus le marché. On y vit dans les angoisses de la faim et du doute, et finalement le diable arrive, qui vous emporte. Sans doute ta Xantippe s’est souvent lamentée sur la maigre soupe à l’eau où jamais un œil de graisse ne la consolait d’un regard souriant. Maintenant sois consolée, pauvre âme ! Il est vrai que j’ai reçu les ordres les plus sévères contre ceux qui, pendant leur vie, se sont occupés de philosophie, surtout de la philosophie athée des Allemands ; je dois les chasser d’ici ignominieusement, à coups de fouet. Pourtant, je te le répète, c’est aujourd’hui mon jour de fête : tu ne seras pas chassée, je t’ouvre les portes du paradis, entre vite !

Te voilà en sûreté ; bon ! Pendant toute la journée, depuis le matin de bonne heure jusqu’au soir, tu peux