Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/373

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te promener dans le ciel et flâner en rêvant par les rues pavées de diamants ; mais, sache-le, ici tu ne dois jamais t’occuper de philosophie ; tu me compromettrais terriblement. Si tu entends chanter les anges, fais une grimace de béatitude ; si c’est un archange qui a chanté, sois tout pénétré d’enthousiasme, et dis-lui que jamais la Malibran n’a possédé un pareil soprano. Applaudis toujours aussi la voix des chérubins et des séraphins ; compare-les à Rubini, à Mario, à Tamburini, donne leur le titre d’excellences, et fais-leur maintes révérences cérémonieuses. Les chanteurs, au ciel comme sur la terre, veulent tous être flattés. Lui-même, en ces régions sublimes où nous sommes, le maître de chapelle des mondes aime à entendre louer ses œuvres ; il aime qu’on chante les louanges du Seigneur Dieu, il aime qu’un psaume à son honneur et à sa gloire retentisse au milieu des plus épais nuages d’encens.

« Ne m’oublie pas. Si quelque jour tu t’ennuies des magnificences du ciel, viens me trouver dans ma loge ; nous jouerons aux cartes. Je connais toutes les espèces de jeux, depuis le lansquenet jusqu’au pharaon. Nous boirons aussi… Mais, à propos ! si par hasard le bon Dieu te rencontre et qu’il te demande d’où tu es, ne dis pas que tu es de Berlin ; dis plutôt que tu es de Munich ou de Vienne. »