Page:Heine - Poëmes et légendes, 1861.djvu/375

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Je le sais maintenant. Oui, par Dieu, c’est loi que j’ai aimée. Quelle destinée amère quand l’heure où l’on se reconnaît est aussi l’heure où il faut pour jamais se quitter ! les paroles de bienvenue sont en même temps des paroles d’adieu ! Nous nous séparons aujourd’hui, et nous nous séparons à jamais. Pour nous, point d’espérance de se revoir dans un autre monde ! — La beauté est dévolue à la poussière ; tu te dissiperas, tu t’évanouiras au sein du vide. Le sort des poètes est bien différent ; eux, la mort ne saurait les tuer tout entiers. L’anéantissement terrestre ne nous atteint pas. Nous continuons à vivre dans le domaine de la poésie, dans l’île enchantée d’Avalon, le pays des fées. Adieu pour toujours, beau cadavre !


XII
LE PHILANTHROPE

Ils étaient deux frères ; l’un était riche, l’autre était pauvre. Le frère pauvre dit au frère riche : « Donne-moi un morceau de pain. »

Le frère riche dit au frère pauvre : « Laisse-moi en paix, seulement pour aujourd’hui ; je donne ce soir mon repas annuel à messieurs les membres du grand conseil.