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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/180

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gloire ; jamais l’homme n’a tant bu de honte. Jamais l’homme n’a été si plein de lui-même ; jamais il n’a été si vide de bonheur. Jamais l’homme n’a tant célébré l’humanité, tant glorifié sa puissance ; jamais son impuissance n’a plus solennellement éclaté. Les progrès de l’artillerie semblent être une ironie terrible à l’adresse de la vanité humaine. Il est vrai qu’on se tue davantage, mais on ne sait pas mieux guérir ses blessures.

La puissance de l’artillerie et l’impuissance de la médecine sont d’étranges insultes à cette vantardise qui caractérise l’homme moderne. De toutes parts il s’agit de prendre son élan et d’escalader les montagnes. Mais si de la parole on passe à l’action, on ne voit que chute et précipice. Tout ce qui est prétention nous montre le sublime. Tout ce qui est réalité nous montre le hideux surmonté du grotesque. Ce contraste prodigieux, inouï dans les annales de l’homme, ce contraste monstrueux entre les prétentions et les réalités, entre l’espérance et le succès, entre l’idée et le fait, entre le projet et l’événement, entre le plan et le monument, cette aspiration vers les sommets, cette descente vers les abîmes, cette prétention dans la théorie, cette vanité dans la pratique, tout doit entretenir, nourrir, fortifier et exalter chez les âmes hautes, le Désir ; chez les âmes basses, l’Envie.

De frères à frères, d’amis à amis, d’ennemis à ennemis, d’individus à individus, de nations à nations, de siècle à siècle, de classe