Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/44

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lecteur, a dû rester seul dans son nuage, isolé dans son erreur inaccessible. »

Le contraire est arrivé. Si Hegel eût parlé un langage populaire, son navire eût échoué contre le bon sens.

Il y a deux armes contre Hegel : le gros bon sens, et la lumière supérieure.

S’il eût parlé le langage vulgaire, il se fût heurté contre le bon sens.

S’adressant à quelques penseurs égarés, il ne s’est heurté en eux, ni contre le bon sens qu’ils trouvaient indigne d’eux, ni contre la lumière supérieure dont ils étaient privés. Ses disciples l’ont présenté à l’Europe traduit et déguisé. Dans leur traduction, ils ont évité les formules qui auraient trop évidemment choqué le bon sens. Prenant les précautions que leur maître aurait dédaignées, ils ont inoculé Hegel à l’Europe inattentive.

Pour entraîner le monde, il ne suffit pas de parler à ceux qui écoutent. Il faut parler à ceux qui parlent. Il faut se faire un public d’écrivains. Il faut être le maître des maîtres

Avoir beaucoup de lecteurs, cela n’est rien. C’est l’ambition vulgaire des esprits sans portée. Avoir des disciples, c’est être une puissance. L’homme qui a des disciples agit, en bien ou en mal, sur le monde, parce que les doctrines sont puissantes.

Un homme qui a déposé profondément une doctrine, vraie ou fausse, dans la tête d’un autre homme, a fait beaucoup de bien ou