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Page:Hello-Les Plateaux de la balance, Perrin, 1923.djvu/57

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vement la nature qui passe, sous ses adorations et sons ses colères, de l’hiver au printemps, et du printemps à l’été.

Ainsi 1830 succède à 93, comme 93 a succédé à Voltaire, et rien n’avance, et le gouffre humain est toujours béant. En 1830, les mélodrames portent à l’admiration des crimes qu’on croit grandioses ; les jeunes filles sont fières quand elles sont poitrinaires : celles qui sont poitrinaires méprisent les autres, les autres leur portent envie, toussent avec enthousiasme, maigrissent avec joie, et peut-être quelques-unes, jadis assez malheureuses pour avoir les poumons sains, deviennent poitrinaires par imitation. La douleur et la mort, en 1830, sont à l’ordre du jour. Le rire du XVIIIe siècle avait porté sur toutes les grandeurs ; l’homme avait cherché dans la petitesse un refuge contre sa propre ironie. Le XVIIIe siècle trouvait ridicule tout ce qui était sublime ou divin.

En 1830, l’homme tomba amoureux de la grandeur, et, pour se rendre intéressant à ses yeux, il se réduisit à un état qui faisait pitié. Martyr de toutes ses manies, l’homme de 1830 adorait les femmes qui le condamnaient au dernier supplice. Pour une enfant qui de ses pleurs se joue, il eût été ravi d’expirer sur la roue. Expirer sur la roue, voilà le bonheur idéal pour le vrai romantique. L’homme de 1830 estimait et pratiquait le suicide ; je m’étonne qu’il n’ait pas établi la torture. Il se serait mutilé avec transport pour attirer l’admi-