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SECTION VIII, CHAP. XXI.

sur celui qui, fatigué de jouissance, est blasé sur ce plaisir ? Si le riche court les bals et les spectacles, c’est pour changer d’ennui, et, par ce changement, en adoucir le mal-aise. Tel est, en général, le sort des princes : tel fut celui du fameux Bonnier. À peine avoit-il formé un souhait, que la fée de la richesse venoit le remplir. Bonnier étoit ennuyé de femmes, de concerts, de spectacles : malheureux qu’il étoit, il n’avoit rien à desirer. Moins riche ; il eût eu des desirs. Le desir est le mouvement de l’ame ; privée de desirs, elle est stagnante. Il faut desirer pour agir, et agir pour être heureux. Bonnier mourut d’ennui au milieu des délices. On ne jouit vivement qu’en espérance. Le bonheur réside moins dans la possession que dans l’acquisition des objets de nos desirs.