Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/16

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Déjà l’Infirmité, les yeux éteints et creux,
Le corps moitié courbé sur un bâton noueux,
A de l’âge caduc hâte le lent outrage,
Et de son doigt d’airain sillonné leur visage.
Ils invoquent la Mort, espoir du malheureux ;
Et la trop lente Mort se refuse à leurs vœux.
Ici, je le vois trop, le bonheur n’est qu’une ombre ;
C’est l’éclair fugitif au sein d’une nuit sombre.
Sybarite, pourquoi ces regrets impuissants ?
Quoi ! les plaisirs passés font les malheurs présents !
Il pouvoit être heureux, répliqua la Sagesse,
Que l’amour de plaisirs eût semé sa jeunesse ;
L’amour est un présent de la Divinité,
L’image de l’excès de sa félicité ;
Il pouvoit en jouir : mais il devoit en sage
Se ménager dès lors des plaisirs de tout âge.
Que lui servent, hélas ! ces regrets superflus ?
L’inutile remords n’est qu’un malheur de plus.
Mais s’il est des instants où, plein de sa tendresse,
Un amant en voudrait éterniser l’ivresse,
En fut-il un jamais où, libre du désir,
L’ambitieux voulût s’arrêter pour jouir ?
La grandeur qu’il obtient toujours porte avec elle
L’impatient espoir d’une grandeur nouvelle.