Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/31

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Tant de fois tour-à-tour détruit, édifié,
Ne fut jamais qu’un temple à l’erreur dédié.
Hélas ! si du savoir les bornes sont prescrites,
Si l’esprit est fini, l’orgueil est sans limites.
C’est par l’orgueil jadis que Platon emporté
Crut que rien n’échappoit à sa sagacité.
Du pouvoir de penser dépouillant la matiere,
Notre ame, enseignoit-il, n’est point une lumière
Qui naisse, s’affoiblisse, et croisse avec le corps ;
Substance inétendue, elle en meut les ressorts ;
Esprit indivisible, elle est donc immortelle.
L’ame fut tour-à-tour une vive étincelle,
Un atome subtil, un souffle aérien ;
Chacun en discourut, mais aucun n’en sur rien.
Ce n’étoit point assez ; et l’homme, en son audace,
Après avoir franchi les déserts de l’espace,
De l’ame, par degrés, s’éleva jusqu’à Dieu.
Dieu remplit l’univers, et n’est en aucun lieu ;
Rien n’est Dieu, nous dit-il, mais il est chaque chose.
Puis en longs arguments il discute, il propose ;
Il forme enfin son dieu d’un mélange confus
D’attributs différents, de contraires vertus.
Trop souvent ébloui par sa fausse éloquence,
Cachant sous de grands mots sa superbe ignorance,