Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 13.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La crainte, qui subjugue un coursier indomté,
Qui couche l’ours aux pieds de son maître irrité,
Et courbe un peuple entier au joug de l’esclavage,
Peut tout sur la nature, et rien sur mon courage.
Il dit, à son bûcher lui-même. il met le feu.
La foule épouvantée en lui croit voir un dieu ;
Elle avance, se presse, elle s’écrie, admire.
Quelle est donc, reprend-il, la terreur que j’inspire ?
Que pourroit la douleur contre ma fermeté ?
Malgré moi j’admirois son intrépidité ;
Son courage féroce étonnoit ma foiblesse.
Alors que du bûcher la puissante Sagesse,
Ecartant cette foule, appaise la clameur.
Le stoïque le voit, il en frémit d’horreur.
A ce coup imprévu sa constance s’étonne ;
Il pousse un cri plaintif, sa force l’abandonne :
Son orgueil l’a laissé seul avec la douleur,
Et le dieu disparoît avec l’admirateur.
Égaré, dis-je alors, en ma route incertaine,
J’ai cherché le bonheur, et ma poursuite est vaine.
Sans doute aux passions je devois résister,
Télémaque, ou Mentor, les fuir ou les domter.
Non, je n’écoute plus leur trompeuse promesse.
Quel est ce faux bonheur promis dans leur ivresse ?