on peut encore espérer de voir un jour estimer en soi ce qu’on estime dans les autres. Il n’en est pas ainsi des hommes faits : quiconque atteint un certain âge sans avoir aucun mérite, affiche toujours le mépris des talents pour se consoler de n’en point avoir. Pour être juge du mérite, il faut le juger sans intérêt, et par conséquent n’avoir point encore éprouvé le sentiment de l’envie. L’on en est peu susceptible dans la premiere jeunesse. Aussi les jeunes gens voient-ils les grands hommes à-peu-près du même œil dont la postérité les verra. Aussi faut-il en général renoncer à l’estime des hommes de son âge, et ne s’attendre qu’à celle des jeunes gens. C’est sur leur éloge qu’on peut apprécier à-peu-près son mérite, et sur l’éloge qu’ils font des grands hommes qu’on peut apprécier le leur. Si l’on
Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 6.djvu/168
Apparence