Page:Helvétius - Œuvres complètes d’Helvétius, tome 6.djvu/79

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et quelquefois si utile aux particuliers, n’est pas pour tout un peuple une vertu si desirable qu’on l’imagine. De tous les dons que le ciel peut verser sur une nation, le don de tous le plus funeste seroit sans contredit la prudence, si le ciel la rendoit commune à tous les citoyens. Qu’est-ce en effet que l’homme prudent ? celui qui conserve des maux éloignés une image assez vive pour qu’elle balance en lui la présence d’un plaisir qui lui seroit funeste. Or supposons que la prudence descende sur toutes les têtes qui composent une nation, où trouver alors des hommes qui, pour cinq sols par jour, affrontent dans les combats la mort, les fatigues ou les maladies ? Quelle femme se présenteroit à l’autel de l’hymen, s’exposeroit au mal-aise d’une grossesse, aux dangers d’un accouchement, à