Qui veut acquérir une grande mémoire doit la cultiver, la fortifier par un exercice journalier. Qui veut acquérir une certaine tenue dans la méditation doit pareillement en fortifier en lui l’habitude par un exercice journalier. Or, le temps passé à méditer n’est point employé à placer des faits dans mon souvenir. L’homme qui compare et médite beaucoup a donc
les érudits ; la méditation fait les hommes de génie. L’esprit original, l’esprit à soi, suppose comparaison des objets entre eux, et appercevance de rapports inconnus aux hommes ordinaires. Il n’en est pas ainsi de l’esprit du monde ; ce dernier est un composé de goût et de mémoire. Si sa réputation ne s’étend point au-delà de son cercle, c’est qu’il n’écrit point, qu’il ne perfectionne aucune science, et qu’il ne se rend point utile aux hommes, et ne doit par conséquent en obtenir que peu d’estime.