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Page:Hennique - Pœuf, 1899.djvu/107

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PŒUF.

per mes souliers, des souliers neufs qui criaient, je réfléchis qu’il valait mieux ne les mettre que plus tard, dans la ruelle. Les craquètements de ma chemise de jour, lorsque je la passai, me causèrent une épouvante irritée. — J’avais d’ailleurs beau me dire : « Ah çà ! quel mensonge inventeras-tu, quel mensonge croyable, si on te découvre là, debout, en train de t’habiller ? » pas l’ombre d’une idée ne me pénétrait. « Ce que j’allais être puni à mon retour ! » J’enserrai les épaules, et aucun châtiment ne me parut à la hauteur de mon mérite. « Bah ! tant pis ! tant pis ! » me déclarai-je, à fin de compte. Et je boutonnai ma veste.

Il s’agissait maintenant de déguerpir au plus tôt.

Je faillis oublier mes souliers. Le plancher resta silencieux, tandis qu’à pas de jeune loup je me dirigeai vers la porte de ma chambre. Je l’ouvris et ne la refermai point : « C’est Robert qui pouvait s’apprêter à me donner la chasse ! » La cour était noire ; ce fut à peine si je distinguai l’énorme tronc du noyer qui l’ombrageait, d’habitude plein de feuilles et de chansons d’oiseaux. De petits cailloux me meurtrirent les pieds, mais j’avais bien d’autres chats à fouetter. Doucement, avec mille précautions, je tirai le loquet d’une porte de service, — et je débouchai dans la ruelle. Dare dare, je chaussai mes souliers, sans même