Je fermai les yeux, malgré moi ; je les rouvris presque aussitôt : le cheval de mon père caracolait ; les papillons du polygone voletaient tous, effarés ; mon chien lançait de furieux aboiements ; — et je vis Pœuf, la face dans l’herbe, le dos roux de soleil, les bras comme cassés à ses côtés, derrière une fumée pâle qui montait en s’évaporant.
— Mon Dieu ! fis-je. — Mon Dieu !
Et je dégringolai de mon arbre, me mis à fuir vers la Basse-Terre.
Un nouveau coup de feu tonnant sur ces entrefaites, le crâne vide, l’âme saccagée pour longtemps, je crus qu’on me l’avait tiré dans les jambes et accélérai ma retraite.
— D’où sors-tu ? s’écria ma mère, quand, débraillé, suant, soufflant, n’en pouvant plus, j’atteignis enfin notre terrasse. — D’où sors-tu ?… avec ton pantalon déchiré ?
— Pœuf, essayai-je de répondre… Pœuf…
— Tu viens du polygone ?
— Oui.
— Je m’en doutais.
Les yeux de maman se mouillèrent.
— Ah ! tu viens du polygone !… Ah ! tu t’es sauvé,