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pœuf.

ties, tous deux, les après-déjeuners où le service ne le cadenassait pas à notre seuil !

— Y êtes-vous, m’sieur André ?

— J’y suis.

— Vous tenez bien la bride ?

— Oui.

— Alors… une, deuss, troiss… en route ! criait Pœuf.

Et nous partions, sous des ciels fastueusement d’or, lui, à ma droite, moi, juché sur le dos de Clémence, une ânesse qu’un des muletiers du bataillon m’amenait à heure fixe, trois fois par semaine. Aussitôt hors de la Basse-Terre, Pœuf coupait une badine et s’amusait à la décorer. On allait, au hasard, tantôt sur le bord de la mer, l’ouïe impressionnée par le clapotis monotone des vagues, le regard perdu, tantôt sur les routes, entre des plantations de cannes à sucre bruyant à toutes brises, de maniocs d’un vert bleuâtre, ou de cotonniers dont les houppes laiteuses s’effilochaient. Les paysages, se transformant, ici étaient peuplés d’arbres en fleur sur de verdoyants tapis, là de cultures potagères, plus loin de futaies agrestes où, d’une branche à l’autre, grimpaient et couraient des lianes, plus loin encore de plaines rocheuses ; puis, brusquement un pont de bois enjambait un abîme, — et, quand on le traversait, l’âme inquiète sans vraies causes d’in-