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pœuf.

« On s’était oublié ! » Il l’avait dit ; donc il fallait le croire… « On s’était oublié ! »… Pourquoi pas ?

Et je me reportai aux temps où, côte à côte, nous avions hanté le jardin du vieux gouvernement, plein de halliers, de ruines, d’arbres séculaires. Tout y poussait à l’abandon, depuis l’acajou, dont les pommes s’achèvent par une noix, jusqu’au sapotillier géant, dont les fruits, de couleur marron, à peau rêche, ont une chair juteuse et odorante. Aucune trace d’allées ; autant de fleurs que d’herbe ; des centaines de colibris à reflets de topaze ou d’émeraude. Certains feuillages avaient des épaisseurs de murs, d’autres filtraient une lumière intense ; les pelouses n’étaient plus que des champs de cactus friselés de rouge ; le verger appartenait aux fougères, la terre aux ronces et aux ananas sauvages ; çà et là, des kiosques pourrissaient sous des cascades de roses, — et, comme piqués à des troncs morts, au bout de tiges grêles, des papillons végétaux, papillons bleus ou blancs, parmi les papillons célestes, continuellement se balançaient dans une poudre de soleil. Que de fois nous avions goûté là, Pœuf et moi, d’un corossol ou de bananes, au fond de ce jardin sauvage !


Je me souvins encore des combats de coqs auxquels nous assistions, du perron de la gendarmerie ;