Page:Hennique - Pœuf, 1899.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
51
PŒUF.

une allure très lente, nous regagnâmes la maison.

— Vous êtes-vous bien amusés, au moins ? nous fut-il demandé.

Nous nous étions bien amusés.

Je feignis de ne plus voir Marie ; je tendis le front à l’ordonnateur, à sa femme, à la grand’mère ; et nous les quittâmes, ma mère et moi.


Mais, brusquement, je me sentis maussade, énervé, jaloux de cette famille dont j’aurais voulu être, las aussi, besogneux de solitude et mécontent de retourner chez nous. L’aspect lointain du Champ-d’Arbaud où manœuvrait un escadron de gendarmes, le long du vieux gouvernement, sous un soleil qui baissait vers la mer, n’attira mon attention qu’une minute.

Du vide ! c’était du vide qui descendait en moi maintenant, un vide glacé, un vide morbifique, un vide immense. Et je me trouvais malheureux, digne de compassion, abandonné, surtout abandonné. « Pourquoi n’avais-je pas de sœur ?… pourquoi, au lieu de frères, de deux grands diables de frères, — ils faisaient leurs études en France, — pourquoi mes parents ne m’avaient-ils pas donné une sœur ?… une sœur tendre et douce… jolie… une petite sœur comme