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PŒUF.

petites filles paradèrent devant mes besoins d’amour et mes ambitions de revanche, — aucune d’elles ne me plaisait comme Marie ; — je me déclarai que, décidément, Barrateau devait avoir été le rival de Pœuf ; puis l’âme abasourdie, la tête en feu, accablé par l’épouvantable chaleur du grenier, je dévalai soudain vers le Champ-d’Arbaud.

Une bouffée d’air côtier me rafraîchit, malgré le soleil, dont la virulence, pour la dixième fois peut-être, séchait la terre, ce jour-là. Et j’entamai une promenade affadie, promenade où, le chapeau sous un bras, la mine basse, la démarche dolente, pareil à un convalescent, peu à peu je commençai à m’attendrir sur mon propre sort et sur la fièvre dont il me semblait relever.

Je bouillonnais encore ; mais ce ne fut bientôt plus que par saccades brèves. Soit au sujet de Marie, soit au sujet de Pœuf, de lamentables rêves m’absorbaient.

L’ombre grise des manguiers, le long desquels je marchais, ne me distrayait point, ni la chanson monotone des vendeuses de bonbons, ni le va-et-vient de quelques passants, ni le cri des piot-piots dans les feuilles, ni les combinaisons de kaléidoscope d’un ciel variable ; et je me demandai à qui je donnerais la clarinette, s’il m’advenait de mourir un soir ou l’autre :