Page:Henri Béraud - Le Martyre de l'obèse, 1922.djvu/157

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m’étonnaient. Prévenant mes réflexions, d’une voix lugubre, il reprit :

— Vous doutez de mes paroles, et peut-être aussi de ma raison. Je vous comprends, monsieur. Moi-même, bien souvent, me considère comme une vivante galéjade. Avoir passé deux cent soixante livres et finir sous la peau d’un héron est une chose qui n’arrive pas à beaucoup d’hommes. Je suis probablement le premier du genre ; et cette singularité me remplit de désespoir.

Il épongea son front jaune et me demanda la permission de s’asseoir à mon côté. J’acquiesçai ; je le vis replier avec précaution ses jambes de faucheux, déboutonner sa redingote, en sortir un portefeuille et tirer du portefeuille la photographie d’un abondant monsieur aux moustaches en fers de lance, aux petits yeux noyés entre des bourrelets de lard, aux joues rondes et fermes comme de la culotte de bœuf :

— C’est moi, dit-il.