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LE SUPPLICE DE PHÈDRE

lait à son esprit la plus douce des langues dont se pussent charmer ses rancœurs. Si la mémoire de sa sottise y tenait par trop, elle s’y mêlait au souvenir, si recherché d’elle, des motifs généreux qui l’avaient causée. N’était-ce pas là de quoi la rendre à sa propre estime ? Cette orgueilleuse (car elle l’était, bien qu’avec des formes, et moins, d’ailleurs, personnellement que par atavisme), une action vraiment noble accomplie par elle aurait-elle pu, même à distance, ne pas l’émouvoir ? Pareille figure, surtout blessée, néglige-t-elle un trait qui la dissocie du vulgaire ? De méditer sur une souffrance d’espèce peu commune à se dire qu’elle la doit à sa grandeur d’âme, il n’existe qu’un pas et elle le franchit. D’autre part, l’intérêt et la compassion, une profonde tendresse envers Marc, non un caprice à la merci d’un sursaut d’humeur, l’avaient jadis déterminée à conclure l’union qu’elle se surprenait à maudire. Nul détour du jardin qui ne l’y fit songer. C’était ici comme le berceau, demeuré tel quel, de ces sentiments toujours frais. Lorsqu’appuyée sur son beau-fils qu’elle tenait au cou, elle parcourait, en s’arrêtant toutes les deux minutes, une allée bossue et pleine d’ombre, mainte image du passé la faisait frémir et, sous les plis de la cravate, nouée avec mollesse, elle recherchait la peau si douce et la souple attache qu’autrefois dégageait le costume marin. S’abandonner à cette pratique en suivant son rêve lui causait une joie délicieuse. Tout un âge mort lui remontait à l’esprit d’un bond. Mais son bonheur